Arènes
d’Aignan, dimanche 31 mars 2013
6 toros de la ganaderia Hubert Yonnet pour
Rafaelillo (silence, bronca)
Manuel Escribano (une oreille, silence)
Alberto Agular (ovation avec pétition de vuelta, silence)
Bonne entrée avec 8/10 d’arène sous le soleil.
Cette
course fait partie du concours Toros de France 2013. Les tercios de
piques se dérouleront donc selon les règles en vigueur dans les corridas
concours.
Il nous
arrive de râler quand il n’y a pas de toro en piste, difficile de
le faire en ce dimanche de Pâques. Le propriétaire de la Belugo nous
a présenté un lot magnifiquement présenté (trapio et armures) qui
n’aurait pas fait tâche dans une piste de 1ère catégorie en Espagne
ou en France. Côté moral de la diversité ; du manso très compliqué
sorti en premier au toro brave et encasté sorti en troisième et sixième,
ils ont tous fait régner en piste cette émotion vraie qui donne ses
lettres de noblesse à la corrida.
Leurs adversaires du jour ont connu des fortunes diverses, mais ils
méritent notre respect pour avoir eu le courage d’affronter des « bestiaux »
que d’autres n’auraient même pas voulu voir en photo.
Le
premier toro est ovationné à sa sortie du toril tant il est bien armé.
Rafaelillo le reçoit avec élégance à la cape. Présenté au cheval, le
camarguais s’élance sans conviction pour une première pique, la seconde
se limitera à un picotazo, seule la troisième pique sera prise en poussant.
Le toro, dès les banderilles, s’avère compliqué. Il charge à contretemps
en derottant. Très vite il vient droit sur l’homme, Rafaelillo manque
de motivation en ce jour. Il ne s’arrime pas, met en évidence les défauts
du toro et ne fait rien pour les corriger. Il prend très vite l’épée.
Une estocade à la course précède deux descabellos prudents.
Le geste de mépris par lequel le torero répond aux quelques sifflets
ne l’honore pas et est symptomatique d’un torero qui doute et connait
un début de saison très difficile.
Son second adversaire ne va pas lui redonner confiance. Dès la réception,
il fait preuve de caste et demande une lidia autoritaire. Les mises
en suerte face au cheval sont catastrophiques. Le toro viendra trois
fois en poussant avec bravoure, bon travail du piquero lors des deux
premières, la troisième étant donnée dans l’épaule.
Le toro est intéressant, il vient à la muleta avec force et se retourne
vite. C’est le type de toro avec lequel Rafaelillo aurait naguère triomphé.
Aujourd’hui, il s’est contenté d’agiter sa muleta comme un torchon pour
nous faire croire que le toro était intoréable. Deux minutes de faena,
une estocade dans le cou déclenche une bronca justifiée. Le toro est
applaudi à l’arrastre.
Le second
sera le plus léger du lot. Escribano est un capeador élégant au répertoire
très largo. Le toro donne des signes de faiblesse et sera ménagé au
cheval, deux piques légères sous lesquelles il ne poussera pas. Aguilar
intervient pour un quite et est applaudi.
Bon capeador, Manuel est aussi un banderillero très spectaculaire.
Sa troisième paire posée entre le toro et les planches fait se lever
les gradins.
Au troisième tercio le toro se reprend, il vient de loin. Sérieux
du toro et envie du torero rendent spectaculaire le début de faena.
Hélas Manuel Escribano est un garçon sympathique courageux et vaillant,
mais muleta en main il est très brouillon. Il se laisse dominer par
le Yonnet auquel il ne donne pas la sortie en fin de passe et surtout
qu’ il cite de trop près.
Il finit par étouffer la charge du toro. Le toro baisse alors de ton.
La faena s’éternise, le numéro de porfia final, très à la mode, finit
par devenir lassant quand le toro devient de marbre. Heureusement
que l’estocade entière, portée avec engagement, est très rapide d’effet.
Le public demande et obtient une oreille pour récompenser la vaillance
et l’enthousiasme communicatif du torero.
Celui-ci
veut triompher, il prend beaucoup de risques lors de la réception
de son second adversaire. Tercio de piques moderne avec départ de
loin et piques relevées, il est difficile de dire si le toro est vraiment
brave. Il est assurément noble comme le montre son comportement lors
d’un très joli quite par gaoneras d’Escribano. Aux palos il est toujours
aussi spectaculaire quoique plus brouillon qu’avec son premier adversaire.
A la muleta le toro vient bien à droit et accroche à gauche. Escribano
est courageux, mais son toréo est désordonné ;A nouveau il étouffe
la charge du Yonnet. Il n’a plus aucune charge au moment de l’estocade
rendant son exécution compliquée. Le premier avis coïncide avec le
premier pinchazo à la quatorzième minute. Une entière mais en arrière
et deux descabellos ne réveillent pas le public.
Alberto
Aguilar est un torero petit par la taille mais grand par le courage
et le talent. Il nous l’a encore prouvé ce jour. Son premier adversaire,
superbe de présentation, pousse en brave sous la première pique, il
bouscule le groupe équestre, désarçonnant le cavalier. Comme les Maria
Luisa du lundi de resaca à Madrid, il continuera à pousser de longues
secondes, négligeant capes et quites colleandos. Très sollicité lors
de la première rencontre, il s’emploiera avec moins de vigueur à la
seconde.
Très encasté qui demande une lidia très technique. Il vient avec force
à la muleta et il faut l’obliger à baisser la tête, sinon il met en
difficulté le torero. Aguilar l’a compris. Il réalise une excellente
faena, se croisant dans des séries à la fois élégantes et engagées surtout
à droite. Le toro est moins clair à gauche. La faena est courte, car
le toro s’avise vite, mais emporte l’adhésion du public pris par l’émotion
du combat d’un matador courageux face à un adversaire sérieux (une vrai
corrida quoi !!!!!!) . Hélas après une entrée à matar engagée, l’estocade
résulte moyennement placée et sept descabellos sont nécessaires.
Le torero invité à donner une vuelta, avec une verguenza et un pundonor
dont devrait s’inspirer certaines figuras se contente de répondre depuis
les tercios à la chaleureuse ovation qui monte des gradins.
Le toro est lui aussi ovationné à l’arrastre, il aurait mérité une vuelta,
autrement plus significative que certaines données parce que le toro
a permis au torero de triompher, et je ne parle pas des indultos de
pacotille.
Le dernier Yonnet de l’après midi est un joli colorado. Brave il prend
deux bonnes piques en poussant. Il est un peu faible mais il répond
aux cites de loin ;
Aguilar l’entreprend à mi hauteur et livre de bonnes séries à droite
et à gauche. Comme Escribano, il va commettre l’erreur prolonger la
faena au-delà de ce peut supporter le toro. La fin de faena, toreo vertical,
de près finit de décomposer le toro. Ces passes données à un toro qui
reste de marbre finissent par lasser le public. La mise à mort est laborieuse
(un pinchazo, une entière en arrière et deux descabellos), les trophées
s’envolent.
Comme
Escribano, en voulant céder à la mode du toreo « Tomasiste », Aguilar
est passé à côté des possibilités de triomphe offertes par les toros.
Les toros encastés, qui s’emploient dans les deux premiers tiers, ne
supportent ses cites de près, qui étouffent leur charge et les faenas
à rallonge. Dommage que César Rincon ne soit plus en activité, il avait
su nous montrer que toréer, c’est donner la bonne distance et le nombre
de passes justes nécessaires.
La présidence ne joue pas son rôle en ne faisant sonner les premiers
avis qu’à la quatorzième minute cautionnant une dérive initiée par certaines
figuras.
Il reste
que grâce au sérieux du bétail (merci à Monsieur Yonnet), au courage
d’Escribano, au courage et à la technique d’Aguilar et à des organisateurs
motivés par la défense d’une tauromachie vraie, nous avons vécu une
authentique et intéressante tarde de toros.
Les
antis ayant réussi à s’emparer des commandes de la météo, il pleuvait
le lendemain à Mugron. A contre cœur, la novillada a été annulée, repoussant
les débuts en piquée de Clemente à la course de Captieux.